374 – Synthèse de Modern Monetary Theory (MMT)

Ce court texte a pour objectif de présenter les principales caractéristiques de l’approche de la Modern Monetary Theory (MMT), dénommé également néo-néochartalisme ou « Théorie Monétaire Moderne » par les francophones. Il est tiré de l’excellent livre de Jean-Baptiste Bersac, « Devises – L’irrésistible émergence de la monnaie ».
MMT est une théorie de la monnaie qui soutient que la monnaie a son origine dans les tentatives des États de diriger l’activité économique plutôt que comme une solution spontanée aux problèmes de troc ou comme un moyen de symboliser la dette, et que cette monnaie a une valeur pour les échanges en raison du pouvoir souverain de percevoir des impôts sur l’activité économique qu’elle permet de payer. La monnaie est donc une créature de l’État, qui peut l’émettre sans limite, sous la seule contrainte de l’existence de ressources réelles (humaines et matérielles), et donc également de l’inflation.
Sous cette vision, le budget d’un état est donc fondamentalement différent de celui d’un ménage ou d’une entreprise. En effet, seul l’État (souverain) a la possibilité de battre monnaie. Il en découle que :
1. Pour s’acquitter des taxes obligatoires, le secteur non-gouvernemental d’un État doit se procurer de la monnaie de cet État pour pouvoir payer ses taxes.
2. Si ces citoyens doivent d’abord se procurer de sa monnaie pour pouvoir ensuite la dépenser, en revanche, l’État émetteur de cette monnaie doit d’abord créer et dépenser cette monnaie avant de se la procurer en taxant ou en empruntant. L’État ne peut jamais obtenir plus de monnaie qu’il n’en a créé et injecté au préalable dans le secteur non-gouvernemental. S’il y parvient, c’est un signe très inquiétant quant à son efficacité dans sa lutte contre le faux-monnayage.
3. Si le secteur non-gouvernemental désire épargner cette monnaie tout en payant ses taxes, il est indispensable que l’État dépense plus qu’il ne taxe. Le montant de dépenses de l’État excédant ses recettes est très exactement le montant épargné par le secteur non-gouvernemental. Comme le montant des dépenses excédentaires de l’État est appelé déficit public, cela signifie que le déficit public s’ajoute, à l’unité près, à l’épargne du secteur non-gouvernemental.
4. Si, pour son fonctionnement, l’économie a besoin en permanence d’un certain montant d’épargne en cette monnaie, cela signifie que le déficit public qui l’a créé ne devra jamais être « remboursé », pour assurer le bon fonctionnement du secteur non-gouvernemental. La pertinence de cette règle se trouve clairement confirmée dans le fait que les États-Unis ont connu six périodes de dépression qui commencèrent en 1819, 1837, 1857, 1873, 1893, et 1929. Chacune de ces dépressions a été précédée par une réduction de dette significative. Plus récemment, l’excédent de la période de Bill Clinton a été suivi par la récession de celle de Bush, une euphorie spéculative.
5. Si le secteur non-gouvernemental croît continûment, et que cette croissance de sa production de biens et de services nécessite, pour son bon fonctionnement, un accroissement tout aussi continu de l’épargne au sein de cette économie, alors, toujours pour assurer le bon fonctionnement de cette économie, l’État doit générer des déficits publics qu’il ne « remboursera » jamais, continûment encore.
6. Comme l’État crée la monnaie par de simples jeux d’écritures comptables, sur les livres de comptes des services concernés au trésor public et à la banque centrale, il ne peut pas être plus à court de monnaie qu’un arbitre de rencontre sportive n’est à court de point à distribuer. Seules comptent les règles du jeu (économique) que la communauté s’est choisie pour accorder ces points : C’est cela qui fait la beauté du match ou la prospérité de l’économie, et non le fait que les points ou la monnaie à gagner soient potentiellement illimités ou au contraire arbitrairement plafonnés à l’avance. L’État peut continûment financer des déficits par création monétaire si nécessaire. Aucun État, disposant de sa souveraineté monétaire, n’a jamais été mis en cessation de paiement.
Ce système monétaire contemporain permet à l’État de créer de la monnaie de manière illimitée, et pourtant, nous sommes loin d’être confrontés à une hyper-inflation permanente. Comme l’a noté Adam Smith, ce n’est pas pour autant qu’il en dépense effectivement trop. Par exemple, le dollar canadien est une monnaie très stable et appréciée, malgré cette « porte ouverte à l’inflation ». Le Japon représente également un cas intéressant, avec, en 2017, un taux d’endettement de 250% du PIB et un taux d’inflation qui reste très faible, à 0,8%.

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Le blog d'André-Jacques Holbecq
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2 commentaires pour 374 – Synthèse de Modern Monetary Theory (MMT)

  1. brunoarf dit :

    L’Europe est soudain le maillon faible de l’économie mondiale.

    Le problème ne vient plus de la Grèce et de Chypre, mais de la France, de l’Allemagne et de l’Italie.

    La production industrielle dans les 19 pays de la zone euro a connu son ralentissement le plus rapide depuis la crise financière. La croissance économique ne dépassera guère 1 % cette année, maintenant que le moteur économique allemand est également en train de caler. L’Europe et son économie sont déjà en difficulté.

    Ce ne sont pas les économies émergentes, mais l’Occident qui est soudainement le plus gros obstacle à la croissance économique mondiale. 

    Plusieurs analystes estiment que la situation se détériore rapidement en Europe.

    « Si la France cesse de consommer et que l’Allemagne cesse de produire, vous avez un gros problème dans la zone euro », a déclaré Ludovic Subran, économiste en chef adjoint d’Allianz, dans une interview donnée à l’agence de presse Bloomberg. 

    Ce ne sont plus des pays comme la Grèce et Chypre qui suscitent l’inquiétude, mais la France – où les « Gilets jaunes » pèsent sur l’économie – et l’Allemagne. A eux deux, ces pays représentent environ la moitié de l’économie de la zone euro. 

    Ensuite, il y a l’Italie, qui continue d’inquiéter les marchés financiers en raison des doutes grandissants quant à sa gestion budgétaire. Le pays a récemment été officiellement déclaré une fois de plus en récession.

    Selon Willem Buiter, conseiller économique chez Citigroup, la reprise conjoncturelle en Europe subit de sérieuses pressions. Il est particulièrement préoccupé par la santé des banques européennes.

    Enfin, il y a l’incertitude entourant le Brexit et les prochaines élections européennes. Les eurosceptiques pourraient remporter jusqu’à un tiers des sièges. Ils essaieront de saboter l’ordre du jour de l’UE de l’intérieur, ce qui rend déjà de nombreuses entreprises nerveuses.

    La production industrielle européenne a diminué de 0,9 % en décembre, soit le double de ce que les analystes avaient estimé. C’est la plus forte baisse depuis 2009.

    https://fr.express.live/europe-ralentissement-croissance-monde/

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  2. brunoarf dit :

    En Allemagne, le Centrum für Europäische Politik (CEP) vient de publier une étude sur les perdants et les gagnants de l’euro, étude réalisée par Alessandro Gasparotti et Matthias Kullas : « 20 Years of the Euro : Winners and Losers, An empirical study »

    Dans son analyse, le CEP conclut que l’Allemagne est le pays qui a le plus bénéficié de l’introduction de l’euro : c’est un gain de 1 893 milliards d’euros de 1999 à 2017, soit 23 116 euros de gain par habitant.

    Les Pays-Bas ont tiré un avantage notable de l’introduction de l’euro, avec un gain de 21 003 euros par habitant. La Grèce a obtenu un très faible avantage grâce aux plans de sauvetage européens, avec un gain de 190 euros par habitant au final.

    Dans les autres pays, l’euro a entraîné une baisse de la prospérité : moins 69 milliards d’euros pour la Belgique, moins 224 milliards d’euros pour l’Espagne, moins 424 milliards d’euros pour le Portugal, moins 3 591 milliards d’euros pour la France, et jusqu’à moins 4 325 milliards d’euros pour l’Italie.

    L’introduction de l’euro a entraîné 40 604 euros de perte par habitant au Portugal, 55 996 euros de perte par habitant en France, et 73 605 euros de perte par habitant en Italie.

    Cliquer pour accéder à cepStudy_20_years_Euro_-_Winners_and_Losers.pdf

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