268 – Loi de 1973 : le mot de la fin ?

Cet article est en fait un commentaire très argumenté signé d’Adrien Abauzit sur le blog d’Étienne Chouard  (commentaire 284  vendredi 11 janvier 2013 à 08:26) à partir de l’article  » LOI DE 1973 :
• les aveux de Rocard
• et deux nouvelles pistes pour comprendre l’effet véritable de la loi  »

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Loi de 1973 : le mot de la fin ?

« Le jugement éthique porté sur le mécanisme du crédit bancaire s’est profondément modifié au cours des siècles. (…) À l’origine, le principe du crédit reposait sur une couverture intégrale des dépôts. (…) Ce n’est que vers le XVIIe siècle, avec l’apparition des billets de banque, que les banques abandonnèrent progressivement ce principe. Mais ce fut dans le plus grand secret et à l’insu du public » (…) «En abandonnant au secteur bancaire le droit de créer de la monnaie, l’État s’est privé en moyenne d’un pouvoir d’achat annuel représentant environ 5,2 % du revenu national. »Maurice Allais, « Prix Nobel » d’économie 1988, La réforme monétaire 1976

Les récentes déclarations de Michel Rocard au micro d’Europe 1, le 22 décembre 2012, ont relancé une nouvelle fois le débat sur la loi de réforme de la Banque de France de 1973. On ne peut que se réjouir du fait que les citoyens, disons plutôt le pays réel pour être taquin, se soit emparé de la question de la cause de la dette. Qu’en est-il alors réellement ? Cette loi est-elle vraiment la cause de notre dette ? La réponse à cette question est oui. Mais pas pour la raison habituellement invoquée sur ce sujet. Se focaliser sur les avances à taux zéro faites par la Banque de France était une erreur.

Une thèse remarquable de clarté et de précision de Benjamin Lemoine, « Les valeurs de la dette », soutenue à l’École des mines de Paris le 21 décembre 2011, nous aide à comprendre le rôle de la loi de 1973 dans la politique de la dette française.

Le financement du déficit lors de la reconstruction : LE CIRCUIT
Pour comprendre où la loi de 1973 nous a emmenés, il faut d’abord connaître et comprendre les instruments de financement du Trésor au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Contrairement aux idées reçues, le Trésor n’était pas uniquement financé grâce aux avances de la Banque de France. Ce levier n’en était qu’un parmi d’autres.Alors qu’il était en fonction, François Bloch-Lainé, directeur du Trésor de 1947 à 1952, conceptualisa l’idée de « CIRCUIT DU TRÉSOR ».Il s’agissait de construire une véritable « architecture institutionnelle bancaire et financière » pour sécuriser le financement du Trésor, notamment en cas d’insuffisance des avances de la Banque de France (p 73).

Le « circuit » était donc un ensemble de mécanismes conduisant de nombreuses institutions à déposer au Trésor une partie, voire la totalité des ressources collectées. Les institutions concernées étaient appelées « les correspondants du Trésor ». Parmi elles, on trouve les banques nationalisées, la Caisse des dépôts, les Caisses d’épargne, les collectivités locales et les entreprises publiques et semi-publiques.

Ce circuit alimentait le Trésor en liquidité par cinq grands leviers (p 76) :

– La dette à vue : le Trésor pouvait se servir des dépôts qui n’étaient pas à lui, soit ceux de ses « correspondants » ;

– Les avances de la Banque de France ;

– Les bons auprès du système bancaire, dit aussi PLANCHER DE BON : les banques détentrices d’un compte courant de bons du trésor à la Banque de France, sont contraintes d’emprunter auprès de l’État à des taux d’intérêt fixés par l’État lui-même. Compte tenu de l’inflation de l’époque, le risque de contracter des prêts à intérêts négatifs était important. Pour dire les choses simplement, le « plancher » était une souscription obligatoire. Au terme du processus, les fonds transitaient du compte courant (à la Banque de France) de la banque prêteuse au compte courant du Trésor. La Banque de France jouait donc dans cette pratique un rôle majeur (p 83) ;

– Les bons souscrits auprès du public ;

– L’apport de la Caisse des dépôts et consignation.

DE LA SORTE, DONC, LE TRÉSOR ÉTAIT CONTINUELLEMENT IRRIGUÉ ET LE CRÉDIT ÉTAIT LARGEMENT CONTRÔLÉ PAR LE SECTEUR PUBLIC. LE DÉFICIT QUANT À LUI, ÉTAIT RENDU QUASIMENT IMPOSSIBLE.

PAR LA POLITIQUE DU CIRCUIT, FRANÇOIS BLOCH-LAINÉ ACCEPTA DE CRÉER DE L’INFLATION POUR STIMULER L’EXPANSION ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE ET, AU PASSAGE, ASSURER SA RECONSTRUCTION.

C’est pourquoi deux économistes, Jean-Pierre Patat et Michel Lutfallah au sujet de la période 1946-1951 diront que LA RECONSTRUCTION FUT « PAYÉE PAR LA MONNAIE ».
Malgré son efficacité, ce système anti-dette ne durera pas longtemps. Il sera progressivement sabordé par une haute administration pantouflarde et une classe politique sous influence.

La suppression progressive du circuit

Comme on pouvait s’y attendre, l’oligarchie française ne percevait le circuit que comme une nécessité et un sacrifice conjoncturel qu’il fallait abandonner à la première occasion.Quatre personnes semblent avoir joué un rôle décisif dans la suppression du circuit : Georges Wormser (directeur de la Banque d’escomptes), Valérie Giscard d’Estaing, Jean-Yves Haberer (haut fonctionnaire, futur directeur du Trésor) et Jacques Rueff (qui en 1959 plaida pour l’abandon du circuit afin de limiter l’inflation).Ces personnalités pesèrent de tout leur poids pour mettre un terme au circuit. Le cœur de leur bataille se porta sur l’abandon du plancher, qui, pour rappel, obligeait les banques à acheter des bons du Trésor dont les taux étaient fixés par l’État et non par le marché.

L’entreprise des réformateurs fut cependant entravée pendant plusieurs années à cause d’un obstacle et non des moindres : Michel Pérouse, le directeur du Trésor de 1960 à 1967.

Celui-ci pensait que le trésor serait mis en péril par l’adjudication (la mise sur le marché de la dette, en somme, les taux d’intérêts seraient décidés par le marché et non plus par l’’État) car «cela provoquerait un renchérissement considérable pour le Trésor du coût de ses opérations et se traduirait du même coup, par un enrichissement sans cause pour les banques». (p 94)

À cette époque de monétarisme conquérant, où la lutte contre l’inflation devint l’objectif des gouvernements, le circuit ne pouvait avoir qu’’une faible espérance de vie.

Dès 1963, l’adjudication fut testée pour les souscriptions volontaires des banques, c’est-à-dire qu’outre la souscription obligatoire de bons dont les taux étaient fixés par l’État, les banques pouvaient souscrire à des bons dont les taux étaient fixés par le marché.

Dans l’histoire de la mise en place de la domination de l’oligarchie financière, cette méthode des petits pas ne nous est pas étrangère…
En 1967, Michel Pérouse doit avaler la pilule : les planchers sont définitivement supprimés. Dorénavant, le marché peut fixer les taux d’intérêts des bons du Trésor. Nous sommes six ans avant la loi de 73. Néanmoins, cette mesure ne produit pas d’effets similaires à ceux de notre époque car les autres branches du circuit sont toujours là pour alimenter le Trésor et parce que sous les 30 glorieuses, les déficits sont moindres que ceux d’aujourd’hui…quand les comptes ne sont pas tout simplement en équilibre.

Jean-Yves Haberer, haut fonctionnaire, futur directeur du Trésor (pour service rendu ?), rapporte cet échange entre lui et Michel Pérouse, le jour de la suppression du plancher (p 99) :

« Mais ma trésorerie, mais comment est-ce qu’on va financer le Trésor ?

-Par les taux ! Vous paierez le taux qu’’il faut. »

Appuyé notamment, par les banques et une partie de la haute administration, Haberer est clair dans ses intentions, il veut « démanteler le circuit » (p 99) : « c’est-à-dire tous ces mécanismes automatiques, qui faisaient que le Trésor sans bouger le petit doigt, était irrigué de liquidités qui lui arrivaient de tous les circuits financiers français. On va peu à peu l’obliger à vivre comme un emprunteur, c’est-à-dire à se poser les questions de l’emprunteur sur le coût de l’emprunt et le service de la dette. »

Les ressources ne doivent plus aller au Trésor, le Trésor doit désormais aller les chercher.

De tout ceci il ressort deux remarques :

– Les >réformateurs< ont DÉLIBÉRÉMENT poussé le Trésor à emprunter avec des intérêts fixés par le marché ;

– Les réformateurs SAVAIENT PARFAITEMENT que l’adjudication conduirait à un renchérissement de la dette.

Les déclarations d’Haberer nous confirment bel et bien qu’il n’a pas fallu attendre le traité de Maastricht pour que l’État aille se financer sur les marchés.

Dès 1969, le Trésor connaît ses premières difficultés de trésorerie, si bien qu’on songe déjà sérieusement à réinstituer le plancher, mais l’administration n’ose pas ce retour en arrière.

Le démantèlement du circuit est lancé, rien ne doit le stopper. En 1969, Maurice Couve de Murville, Premier ministre du général De Gaulle, commande un « rapport sur le marché monétaire et les conditions de crédit » (p 103). Les trois rédacteurs de ce rapport sont Olivier Wormser, Robert Marjolin (économiste) et Jean Sadrin (haut fonctionnaire). Ce rapport est pour les hauts fonctionnaires du Trésor une « révolution paradigmatique ».

Leur conclusion est claire : il faut poursuivre la fermeture progressive du circuit. C’est-à-dire que « mise à part l’existence des avances de la Banque centrale, le Trésor ne disposerait plus que de moyens dits « normaux » ou « monétairement neutres » d’alimentation en liquidité, limités à l’émission de bons en comptes courants par adjudication sur le marché monétaire. »

Ceci est le schéma exact de la future loi de 73. Nous y reviendrons. Notons pour le moment que ce qui gêne les réformateurs n’est pas les avances faites par la Banque de France au Trésor, mais la « dette à vue » et le plancher. Ces deux derniers leviers seront abandonnés de fait dans les années à venir.

Les critiques (dont l’auteur de ces lignes fait partie, mea culpa) et défenseurs de la loi de 73 avaient tout faux sur l’angle d’attaque de la loi. Il était erroné de centrer le débat sur l’opposition avances à taux zéro de la Banque de France/prêts avec intérêt au marché. Le vrai débat était le financement du Trésor par le circuit ou sans le circuit.

Cependant, le fond du problème, lui, était bien cerné, puisqu’était posée la question des conséquences des intérêts imposés par le marché.

La loi de 73 consacre en droit la fin du circuit

Il faudra attendre quatre années, suite au rapport sur le marché monétaire et les conditions de crédit, pour qu’une loi consacre le système de financement du Trésor envisagé dans le rapport (adjudication + avances de la Banque de France). Cette lenteur est due à la mésentente entre Olivier Wormser, gouverneur de la Banque de France, et Valérie Giscard d’Estaing, alors ministre des finances. Comme espéré cependant, la disparition du circuit sera consacrée.

Écoutons l’auteur de la thèse sur le rôle joué par la loi de 73 (p 104) :

« En 1973, quelques années après l’échec du rapport Marjolin-Sadrin-Wormser une réforme des statuts de la Banque de France traduit dans le droit les transformations du fonctionnement de la trésorerie de l’État. » La loi de 1973 est « l’inscription dans le droit d’un changement des pratiques antérieures peu à peu naturalisées.» (p 107)

Ce qu’il est important de bien comprendre, c’est que le vice de la loi de 73 n’est pas de mettre un terme aux avances à taux zéro, elle ne le fait pas, mais de mettre un terme au circuit, soit prioritairement au plancher et à la dette à vue. La focalisation sur les avances de la Banque de France était donc une erreur. On ne peut pas comprendre le changement que transpose la loi 73 si l’on ne considère que la question des avances de la Banque de France.

« La loi de 1973, portant réforme des statuts de la Banque de France, reprend dans l’article 25 une pratique déjà réglée. L’interdiction à l’État de se financer directement, auprès de la Banque de France, en dehors des avances réglementées et rémunérées » (p107).

L’honnêteté intellectuelle oblige à dire que l’interdiction de la dette à vue et du plancher ne figure pas dans la lettre de la loi, qui ne parle que de l’escompte.

Mais Jean-Yves Haberer, lui, associe bel et bien l’article 25 à la fin de la planche à billets (p 109) : «On a fermé cette porte pour l’obliger à vivre plus dangereusement, en empruntant dehors.» La dette est définitivement détachée des mécanismes de création monétaire publics.

Alors pourquoi l’article 25, qui ne parle que de l’escompte, est-il perçu par l’ancien Directeur du Trésor comme la fin de la planche à billets ?

Ici, l’auteur de l’article se risque à une hypothèse. Jean-Yves Haberer ne comprend pas l’usage du terme d’«escompte» dans l’article 25, qui est repris d’une loi de 1936 (p 112). Pour lui ce terme est désuet. L’escompte est de prime abord hors sujet vis-à-vis de l’objet de l’article 25 qui est l’interdiction des grands leviers du circuit.

Ce que votre serviteur suppose, c’est que l’amendement, l’article 25, dont Haberer souhaitait d’ailleurs la suppression car il introduisait une ambiguïté sur les pratiques du Trésor, a été mal rédigé par le sénateur concerné, qui, comme l’étonnement d’Haberer le traduit, n’avait semble-t-il pas une connaissance technique suffisante des mécanismes de finance publique. Ça ne serait pas la première fois que le législateur se trompe.

Très probablement, le sénateur a-t-il voulu interdire à la Banque de France de contribuer au financement du Trésor (hors convention d’avances), ou plus précisément, interdire au Trésor de bénéficier des transferts de fonds de compte courant à compte courant, de comptes de la Banque de France. Pour qualifier ces pratiques dans leur globalité, le sénateur n’a rien trouvé de mieux que le terme d’escompte.

Quoi qu’il en soit, c’est ainsi que cet article a été perçu par la haute administration et la classe politique qui, de toute manière, étaient chacune résolues à ne plus recourir au circuit, soit à un système de financement qui nous avait jusqu’alors prévenu de la dette.

En tout état de cause, la classe politique a trahi

On ne peut pas faire l’impasse sur le fait que la loi de 73, malgré tous ses défauts, conservait encore un levier de financement du déficit à taux zéro : les avances accordées par la Banque de France (article 19), au titre d’une convention conclue entre la Banque de France et le gouvernement. C’était on peut dire un levier du circuit qui était passé à travers les mailles du filet.

Il semblerait que ces avances n’aient pas eu le rôle que les critiques de la loi de 73 leur ont attribué, et que leur importance ait été grossie au détriment de la dette à vue et du plancher. Cependant, il est indiscutable que les avances étaient un moyen de financement possible du déficit. Les gouvernements, d’ailleurs, ne s’en privèrent pas dans la limite des plafonds prévus par la convention.

Après la loi de 73, nos gouvernements pouvaient encore user de ces avances et, avec l’accord de la Banque de France, le plafond de ces avances pouvait être augmenté.

Force est de constater que, si la convention de 1973 a été prorogée, son plafond n’a jamais été rehaussé. Le développement du marché obligataire fut préféré. Notre classe politique est donc d’autant plus coupable, car elle a laissé échapper un mal qu’elle pouvait juridiquement conjurer. Ce moyen juridique disparaîtra définitivement avec l’article 104 du traité de Maastricht, qui deviendra l’article 123 du traité de Lisbonne.

La boucle sera bouclée.
LE CIRCUIT sera entièrement liquidé.

La France avec ?

Adrien Abauzit

Source : http://www.scriptoblog.com/index.php?option=com_content&view=article&id=909

A propos postjorion

Le blog d'André-Jacques Holbecq
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7 commentaires pour 268 – Loi de 1973 : le mot de la fin ?

  1. A-J Holbecq dit :

    Voici un copié/collé des deux derniers messages (passionnants, eux aussi) de Sam, en complément du travail d’Adrien, transmis par Étienne Chouard :

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    298. Le vendredi 11 janvier 2013 à 21:01, par Sam

    Une pause avant tentative de synthèse d’étape

    Sans aucun mauvais esprit, ce que je trouve le plus séduisant dans la thèse attribuée à Adrien, c’est qu’en suivant une démarche un peu similaire à celle qu’ont suivie Lior et Magali, et même bien plus facilement pour le coup, on pourra s’imaginer démontrer rigoureusement qu’elle est encore plus fausse que celle qui était critiquée au départ de ce débat. Or je suis convaincu qu’elle elle est encore plus juste, pour ne pas dire que ce paradoxe ne fait que renforcer mon intuition.

    Sauf erreur de ma part, cette thèse ne fait qu’étendre la proposition que Lior et Magali ont critiqué, rejoignant la thèse plus générale selon laquelle, en somme, l’État se serait privé de tout contrôle et de tout bénéfice de la création monétaire, qu’il avait un temps repris après guerre, la loi du 3 janvier 1973 ayant joué un rôle décisif dans l’opération.

    La mise en perspective proposée par AA semble politiquement très sensée, au moins autant que la thèse (tronquée) que nous savons, ne serait-ce que parce qu’elle est confirmée à la fois par les faits et par les intentions des acteurs, revendiquées à l’époque et depuis.

    Mais si elle est sans doute très porteuse pour ce débat, c’est aussi parce qu’elle présente le même double défaut que la thèse « réduite » :

    – d’une part, si on l’aborde sous un angle basiquement technique, et surtout si on focalise sur les seules clauses de la loi du 3 janvier 1973, on doit pouvoir démontrer aisément qu’elle repose sur une grossière erreur. En effet, selon ses termes, la loi de 1973 est encore plus transparente s’agissant de fermer les autres vannes du « Circuit » que s’agissant d’interdire les seules avances… Il est évident qu’elle n’effleure même pas la question du « plancher » ni celle de la « dette à vue », en particulier. Elle ne risque pas de le faire pour la bonne raison qu’elle porte sur la Banque de France et pas du tout sur les banques (de dépôt) secondaires (ni sur le Trésor, à l’exception déjà notée des articles 19 et 25, justement).

    À ce stade en réalité très superficiel de l’analyse, le plus cocasse est que si Adrien semble encaisser un penalty sans même avoir plongé… le ballon rebondit aussi sec jusqu’à l’autre bout du terrain de jeu pour entrer dans les buts de Lior qui, lui, venait de plonger… dans le piège. Piège consistant à suivre la piste générale du « Circuit » tout en oubliant de préciser quel est le rapport avec la question de départ : la loi de 1973 et ce que ses clauses ont de manifestement contraignant. Cette observation a surtout fini de me convaincre d’une intuition dont je veux vous parler ici et qui peut se résumer ainsi : il y a une manière d’enquêter qui fait que plus on avance, plus on recule…

    – D’autre part, il est plutôt évident que cette thèse, du moins la partie qu’Adrien en a exposé à ce stade, est très incomplète : on nous a fermé le « Circuit » (du Trésor), certes, mais on a également mis en place de vastes marchés financiers. Bref, au mieux ça sent fort la partie émergée de l’iceberg.

    Encore une fois, ne voyez aucun mauvais esprit dans ces remarques. J’essaie d’être le plus possible constructif mais j’essaie aussi de faire court et de trouver la bonne approche, pour aller droit au but. Je souhaite moi aussi, bien sûr, nous aider à en venir rapidement à une tentative de synthèse (d’étape).

    Je voudrais qu’elle porte sur le fond mais aussi sur la forme. Je l’ai déjà assez insinué, je nous déconseille de trop dissocier les deux. Autrement dit, nous avons beaucoup de leçons à tirer de nos démarches.

    Fichu paradoxe qui – n’avez-vous pas remarqué ? – revient sans cesse dans ce débat : on peut difficilement faire des reproches à Lior et Magali qui, après tout, n’ont fait que chercher honnêtement à critiquer une formule dont ils semblent penser qu’elle résume certaine thèse, mais il faut envisager (pour rester optimiste) l’idée un peu inquiétante que d’autres utiliseront et utilisent peut-être déjà ce travail pour des entreprises moins… éclairantes. Bref, je ne veux plus retenir une idée qui me tracasse beaucoup et je les invite vraiment à prendre du recul et à s’interroger, surtout si ça n’était pas déjà fait, sur la portée de cette affaire et sur le rôle que peut jouer le choix d’une approche.

    S’il me fallait résumer le reproche que je leur adresse, c’est d’avoir énormément DÉPOLITISÉ le sujet par la manière dont il ont traité la question. C’est le meilleur moyen de voir toutes sortes de bribes de ses travaux récupérés. Avec ses propres conclusions distordues à loisir, ça va sans dire. Surtout sur un tel sujet, aussi obscur et idéologiquement impreignable qu’il est politiquement décisif.

    J’ai même déjà entendu (comme vous, sans doute) une proclamation se réjouissant explicitement à l’idée que ces mêmes conclusions que Lior semble soutenir auraient fait perdre une grosse bataille, pour ne pas dire la guerre, aux « anti-libéraux ». Une idée qui me donne vraiment envie de vomir tellement elle confine au contresens aux yeux de quiconque lutte contre l’oligarchie en place et connait un peu l’importance que revêtent ces questions dans notre malheur commun. C’est un peu comme si une fille se fait violer publiquement et que les salauds qui ont laissé faire (et se sont rincé l’oeil), pour l’achever moralement en lui montrant à quel point la force et l’immoralité gouvernent, lui lancent un bruyant : « Salope ! Dis-le qu’t’aimes ça ! »

    Que Lior et Magali m’en excusent, je prends sur moi de faire ces remarques qui me travaillent. À la lumière de ce genre d’évènements je les invite, peut-être au nom de beaucoup de gens qui se battent plus ou moins ensemble pour une cause que je crois juste, non seulement à assurer ici et là le « service après-vente » dans la mesure de leurs forces, mais d’abord et surtout à prendre un sacré recul dans leur manière d’aborder ce sujet et de communiquer à son propos.

    Pour prendre une image dont j’aimerais qu’elle soit décalée, on ne mène pas une enquête sur une grande mafia en s’obstinant à se convaincre qu’on peut tranquillement appliquer les procédures de routine apprises dans une école de bonnes soeur dont le directeur est un cousin du parrain, et en s’imaginant que la petite lumière qu’on projette ira loin au-delà des premiers rideaux de façade.

    Et pour prendre une autre image, sans doute au moins aussi proche du sujet, quand on se pose des questions sur l’existence du bon dieu machin, on ne boucle pas son enquête en consultant les services de sa sainteté le pape.

    En tous cas, il devient de plus en plus évident qu’en suivant une telle approche, ici, plus on démontre un tas de vérités toutes « formelles » et vraisemblablement très déconnectées des réalités, au motif d’être conformes à je ne sais quel déterminisme juridique supposé tout puissant, et plus on s’éloigne, au regard du problème d’ensemble, de la « vérité politique », celle qui ressort aussi bien de l’observation des faits que des revendications de l’ensemble des acteurs.

    Du reste, il va sans dire qu’au premier degré la question, telle qu’elle est formulée, n’a strictement plus aucune portée pratique depuis des lustres.

    Or il est évident que la considérer dans une perspective pratique, politique, devrait au contraire inviter à accorder bien plus de sérieux au sens « historique » se dégageant de l’ensemble des évènements et des positions des acteurs.

    Quant audit déterminisme juridique, on se demande par la vertu de quel loi immanente il tiendrait. Celle qui aurait aussi décrétée que le domaine des pouvoirs publics est nécessairement bien limité et bien étanche ? (Eh, oh, quand on n’a plus de constitution, c’est que le papelard n’engage que ceux qui boivent les promesses…)

    Donc pour la nième fois, quitte à devoir toujours réduire le sens de ce qu’on dit : non, Lior, la réponse n’est manifestement pas celle-ci,(j’y reviendrai bien sûr) mais surtout, la question n’est pas celle que tu poses. Elle est sans doute (en partie) celle que tu formules, mais le déterminisme qu’elle implique n’a certainement pas à être réduit à celui que tu prétends observer, ce qui fait que la question et la réponses varient beaucoup selon qui les formule.

    Attendez, je vous vois venir. Je ne suis pas du tout en train de dire que, la monnaie étant un sujet magique, dans lequel le mythe et la réalité se rejoignent – comme tout ce qui touche de près à l’État (guerre, religion, école, etc.) – il serait vain d’enquêter scientifiquement. Loin de moi cette idée. Je dis, par contre, que la première erreur est de ne pas comprendre que la vérité au sens scientifique et la vérité au sens historique sont des choses extrêmement différentes et que les établir (et les maintenir) impliquent des processus souvent très différents. C’est une chose qu’il faut d’ailleurs avoir bien en tête dès lors que l’on est confronté à des experts qui oublient d’être scientifiques (la vérité révélée et la monnaie, tout un programme…)

    Au minimum, ce problème énorme nous appelle à adapter chaque fois la démarche de recherche et notamment à varier et à alterner les perspectives pour éviter de tomber dans les gros pièges d’une logique inappropriée, d’autant plus lorsqu’elle se veut unique – Bourdieu disait quelque chose comme : il y a la logique de la raison et la logique des corps, qui s’impose dans les faits sans pourtant faire appel à la raison.

    Mais il y a aussi des impasses logiques plus directement critiquables. Par exemple, un défaut de l’approche posée par Lior (du moins au départ) est qu’elle ne cherche que ce que la loi en question interdit, sans regarder ce qu’elle permet de nouveau. En l’espèce, je crains d’avoir découvert que cette impasse était rédhibitoire. On peut d’ailleurs songer que ce réflexe était d’autant plus vital, ici, que la loi en question, après un certain stade de l’analyse est réputée n’avoir rien changé… et qu’en même temps les faits comme les propos semblent curieusement s’obstiner à dire le contraire.

    Or on peut tout autant commencer en posant la question ainsi : qu’est-ce que la loi du 3 janvier 1973 introduit comme nouvelles possibilités (notamment pour la Banque de France), et est-ce que ces nouveaux possibles ne pousseraient pas franchement le Gouvernement et le Trésor à emprunter sur les marchés financiers, au point que la pratique puisse apparaître « forcée » ?

    J’arrête là cette partie introductive de ma synthèse, sur cette question dont je pressens bien sûr qu’elle nous ouvre une boîte de Pandore.

    311. Le samedi 12 janvier 2013 à 10:49, par Sam

    Début d’une tentative de synthèse

    J’en viens à la grande piste que j’ai évoquée en finissant mon message précédent (298). Pour cela, je vous propose une approche faisant converger un ensemble de chemins dessinant contexte tel que je le comprends. Il a le contexte historique, au sens de ce qui s’est passé avant et de ce qui est entrain de se passer, mais il y a aussi celui que dessinent d’autres observations, qui peuvent d’ailleurs se rapporter à des évènements ultérieurs.

    Un premier indice, qui nous rappelle à lui seul combien la conclusion de Lior est précaire : comme l’a bien noté Lior, formellement, la loi du 3 janvier 1973 permet à l’État de CONTINUER à « faire tourner la planche à billets » d’une certaine manière : le Gouvernement de l’État, qui nomme d’ailleurs celui de la banque de France (depuis 1936, sauf erreur), peut très bien demander à ce dernier de convenir de rehausser le plafond des avances.

    J’ai objecté, et je continue plus que jamais d’objecter, que cette permission est toute formelle. J’ai parlé de monopole de l’initiative, etc. Des choses tout de même sacrément décisives. Et j’ai ajouté qu’on peut clairement constater que, dans les faits, la chose ne s’est produite que rarement, et même qu’elle s’est le plus souvent produite dans des circonstances « extrêmes », semble-t-il.

    À cet égard, la mention d’Olivier Berruyer fait vraiment de la peine : le fait est que la planche à billet en question a essentiellement arrosé les envahisseurs allemands et leurs complices, massivement et à plusieurs reprises… Pas difficile à voir, même dans les deux compilations très officielles de textes relatifs aux statuts, lois et conventions concernant la BdF, surtout quand elles sont croisées avec un simple graphique retraçant les concours.

    Regardons-y d’ailleurs d’un peu plus près. Excepté les incroyables épisodes de guerre voire d’avant guerre, on note en particulier (depuis 1929) 4 vagues de financement monétaires par le biais des concours. Pas plus.

    Une première fin 1936. C’est à l’avant-veille de la 2e guerre mondiale, et les hypothèses les plus loufoques au demeurant sont permises quand on lit notamment « Le choix de la défaite ». Mais on peut au moins ajouter que les formidables augmentations de salaires décrochées au temps du front populaire seront érodées par l’inflation avant même la fin de l’année 1936… Cet épisode monétaire a d’ailleurs un trait remarquable lorsqu’on le compare à tous les autres : la planche à billet se met à tourner extrêmement vite et fort subitement, juste après les grèves de juin 1936.

    Ensuite, nous avons (bien plus en souplesse, progressivement) les deux années 1946-1947. On peut facilement supposer qu’il s’agissait de gros travaux urgents de reconstruction, entrepris dans un contexte dont on imagine l’humeur d’union sacrée nationale.

    Après, nous avons une hausse significative des avances en 1953… mais avec remboursement rapide ensuite, dans les 3 années suivantes.

    Enfin, en 1957, avec, semble-t-il, tentative de remboursement différé à partir de 1960 mais à moitié avortée.

    Note supplémentaire : aucune trace des conventions signées en 1957.

    Mais ne nous égarons pas trop. La logique la plus élémentaire nous permet en tous cas de faire la remarque suivante : si la loi du 3 janvier 1973 permet à l’État de continuer à « faire tourner la planche à billets », l’un des mots clés, ici, est le verbe continuer. Et on peut vraiment se demander pourquoi, de fait, cette possibilité a si peu (et si mal) été utilisée jusqu’à présent. Autrement dit, si rien n’a changé, on peut d’ores et déjà postuler que cette possibilité ne sera sans doute utilisée qu’en cas de force majeure. Disons pour le moment : à défaut de toute autre possibilité.

    Deuxième indice. « Comme par hasard », j’ai entendu dire (je ne suis pas encore allé vérifier moi-même ce point) que les parlements se sont mis à voter des budgets en déficit depuis 1974 et ensuite, chaque année, pendant des décennies. Je n’avais jamais bien focalisé sur cet aspect jusqu’à ce jour. Et je crois surtout que j’ai toujours pris ce bout de la question à l’envers faute de l’avoir posée clairement, en me disant simplement, chaque fois que j’y pensais vaguement, que c’était la conséquence de « la loi de 1973 » qui interdisait à l’État gningningnin. On retrouve ici la superficialité et l’étroitesse d’un « raisonnement » plus général qu’on connait bien.

    Il y a quelque chose de frappant dans le contraste entre cette pratique systématique et l’acharnement, invoqué au point précédent, à ne jamais recourir aux concours de la banque de France au Trésor. Mais il y a ici un ensemble de points sur lesquels et je veux tout autant insister.

    D’abord, le fait que les parlements aient voté des budgets en déficit implique que les gouvernements associés se sont mis à les proposer systématiquement, ces budgets en déficit. Il ne s’agit pas de dire que des déficits n’étaient jamais atteints avant, il s’agit de voir à la fois une différence de nature dans le nouveau régime et un bout de mécanisme associé.

    Que se passait-il, justement, si l’exécution du budget montrait un dépassement imprévu des dépenses ? On constatait le déficit après coup et on tachait de le combler d’une manière ou d’une autre. Rapidement, car on ne peut maintenir un compte dans le rouge à la Banque de France.

    J’ai déjà évoqué cette séquence d’urgence dans un message précédent. En somme, c’est justement à ce moment que le Gouvernement, via le Trésor, était tenté de mettre la planche à billet de la Banque de France à contribution.

    Or s’il insistait et s’il ne voulait pas recourir à d’autres moyens, elle ne pouvait tout simplement pas le lui refuser.

    Mais on le sait très bien, par ailleurs, d’après les faits comme les discours, tout ce beau monde, du moins avant guerre et à nouveau depuis les années 1960, a toujours voulu éviter une telle situation.

    Autrement dit, ce qui apparaissait comme un comportement irresponsable de la part d’un gouvernement au sens très large, et aux yeux de la classe politique au sens très large, c’était de laisser se produire une situation telle qu’on doive en arriver à cette extrémité. Tandis que s’endetter d’une toute autre manière n’était pas du tout vu comme un acte irresponsable au demeurant.

    D’ailleurs, les idées de Keynes n’étaient-elles pas toujours archi en vogue ? Bref, ça se justifiait sans aucun mal par une volonté de relance. Et tant pis si, au motif de ne pas faire marcher la planche à billet de l’État, on faisait en fait tourner celle des banques : on l’a dit, la responsabilité, c’est d’assumer vérité des prix, etc.

    Une petite remarque supplémentaire, à cet égard : une partie des intérêts revient dans la poche de l’État via le bénéfice du refinancement de la Banque de France et le dividende qu’elle paie à l’État. Mais de toutes manières, ça a été dit et redit, on peut toujours décider d’augmenter les impôts pour équilibrer le bilan, avec ou sans la dette. Bref, simple question de politique contra-cyclique, autrement dit de relance.

    Nouveaux indices. Primo, à la place du Gouvernement, qu’est-ce que j’en aurais à foutre d’emprunter à des banques et avec intérêts ? D’une, je me casse dans cinq ans. Deux : si, au lieu de lancer un emprunt à l’intitulé bien symbolique et directement auprès des citoyens, j’emprunte tranquillou « aux marchés », qui saura que j’ai emprunté, combien et à quel taux ? À part des gens dont c’est le business ou le métier. Bref, ceux qui peuplent les services de la technocratie d’État ou ceux de la technocratie de marché ?

    J’ai parlé de relance. Cela peut paraître contradictoire quand elle devient systématique… (j’ai souligné par ailleurs le caractère chronique, systématique, du déficit). Mais il n’y a en réalité aucune contradiction. Déjà, le gouvernement ça n’est personne dans la durée (non plus). Et chacun peut décider de faire de la relance.

    Mais plus basiquement, comme l’a si bien dit Haberer lui-même, la politique monétaire est transparente pour les « représentants » élus, tandis que les contraintes budgétaires, elles, ils sont bien forcés de les voir et de composer avec eux-mêmes. Ainsi, ce qu’il y a de frappant à cet égard, c’est qu’on prétend avoir instauré le nouveau régime au motif de mettre les pouvoirs publics face à leurs responsabilités alors que les faits ont montré plutôt l’inverse… Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’il s’en tape, le gouvernement en exercice, de la « vérité des prix », si les gouvernements qui passent peuvent emprunter toujours plus (je reviendrai par un autre versant sur cet aspect très important) ?

    Chacun de ces bouts de raisonnement peut paraître très anodin, mais l’ensemble donne beaucoup de sens. Car vu ainsi, on voit qu’en pratique, donc en réalité, la question n’est pas de savoir si le Trésor veut emprunter à la Banque de France, elle est essentiellement de savoir s’il peut faire autrement, d’une manière à la fois pratique, rapide, au besoin massivement, et d’une manière qui le fasse APPARAÎTRE COMME RESPONSABLE. En un mot : sans se mouiller lui-même.

    Pardonnez-moi d’insister mais cette manière de poser la question est déjà toute différente, tandis qu’elle semble revenir au même.
    Voilà un premier exemple, Lior, de ce que j’entendais en évoquant l’idée d’un déterminisme plus « ouvert ».

    Du reste, il n’est pas indispensable de poursuivre ce bout de développement : on voit déjà clairement s’approcher le mythe de la vérité des taux d’intérêts fixés par « le marché ».
    Ici, on est du côté de la demande. Reste à voir l’offre, qui relève encore plus clairement de la mauvaise farce.

    Avant toute chose, pour que puisse s’appliquer la supposée loi du marché, encore faut-il qu’il y ait un marché. Et c’est là une chose qui tend à nous échapper quand on regarde les choses 40 ans après les faits, car cela fait des décennies qu’on s’est employé à « naturaliser » ledit marché (pour reprendre une notion centrale dans la thèse de Benjamin Lemoine).

    Ainsi la question se transforme de nouveau : elle est surtout, à présent, de savoir dans quel état était ce marché à l’époque et ce que la loi du 3 janvier 1973 a bien pu faire pour permettre son développement, sa structuration, voire même pour qu’il puisse simplement commencer à exister, ce marché.

    Pour qu’il y ait un marché, il faut des acheteurs mais il faut d’abord que les vendeurs aient envie de se bousculer au portillon pour écouler leur came.
    Autrement dit, que soient réunies un ensemble de conditions qui, d’un côté, maintiennent les prix (ici les taux d’intérêt) vers le haut, et de l’autre, les poussent vers le bas.
    Le premier ensemble de ces conditions se synthétise par une rareté de ladite came – on verra que la rareté, en l’espèce, est parfaitement artificielle.
    Le second, par l’existence d’une concurrence entre les dealers.

    Quel rapport avec la loi du 3 janvier 1973, puisqu’elle ne concerne ni les banques « ordinaires » ni leurs rapports avec le Trésor ni l’adjudication de bons du Trésor, etc. ?
    Là encore, il faudra étudier soigneusement plus d’un morceau technique de la question pour démontrer rigoureusement ce qui doit l’être, si ça peut l’être, mais je crois qu’il y a là une autre observation décisive à faire, que je n’ai pas inventée.

    La loi du 3 janvier 1973, par ses articles 26 et 27, confère à la Banque de France le pouvoir inouï d’escompter ou d’acquérir non plus simplement une liste exhaustive d’effets définie a priori par le législateur mais absolument tous les titres financiers auxquels elle accordera une valeur. Pouvoir naturellement décliné : en la possibilité d’acheter aussi bien ferme (définitivement, donc par création monétaire pure et dure, permanente) que pour revendre, ainsi qu’en souveraineté s’agissant de décider du taux des escomptes et de la durée et de toutes les autres conditions qui régissent ces opérations. La Banque de France est devenu une banque centrale au sens tristement « moderne », autrement dit « libéral », du terme.

    Elle assure désormais le rôle de préteur en dernier ressort non seulement pour des banques allouant du crédit dans des conditions qui pourraient bien être entièrement administrées, mais aussi désormais, pour absolument tous les agents privés qui décideront d’émettre eux-mêmes des demandes de crédits en tous genres. Et ceci dans des conditions qui font que la fameuse « vérité des prix », soutenue en dernière analyse par une banque centrale forcément prisonnière de ces « marchés » qui se créent ou se recréent, et donc vouée à traduire leurs quatre volontés, ne traduira rien d’autre que la loi de la rentabilité pure et dure. Rentabilité d’activités menées par des agents qui, évidemment, ne sont pas là pour coopérer et se partager les « externalités » (le coût des dégâts) mais pour se livrer une concurrence.

    Les élus socialistes et communistes avaient parfaitement compris le manège, comme en atteste l’introduction des débats parlementaires qu’on sait, ceux de la fin 1972.

    En d’autres termes, cette soi-disant loi du marché, pour fournir soi-disant la meilleure allocation des ressources (prémisse totalitaire néolibérale) exigeait d’abord, pour se réaliser, la mise en place de vastes marchés financiers, en haut desquels les banques de dépôt mais aussi la banque centrale, pièce absolument indispensable pour soutenir l’édifice.

    Pour celles et ceux qui ne sont pas rodés aux réflexions sur la monnaie et le crédit, je me contenterai de leur faire observer ceci : pour que les agents financiers, notamment les banques, soient assurés de pouvoir tirer profit des titres financiers, autrement dit pour que ces titres, comme la monnaie dont ils sont l’image, conservent leur « pouvoir libératoire », il faut qu’ils soient assurés qu’ils pourront toujours les revendre. Il faut donc que la banque centrale, seule à pouvoir créer une monnaie réellement libre de tout contrepartie directement mobilisable (contrairement à la reconnaissance de dette explicite d’un agent envers un autre), puisse se porter acquéreur plus ou moins massivement de ces titres, pour en maintenir le cours, si pour une raison ou une autre (d’origine spéculative très généralement) la valeur d’échange de ces titres s’effondre (ce qu’on appelle un crash obligataire, les obligations étant précisément cette forme de crédit libéralisé dont je cause).

    En somme : pas de prêteur en dernier ressort => pas de marché financier qui tienne.

    Ce qui nous amène à entrevoir le versant d’à côté. Troisième morceau de contexte : la situation internationale.

    Aux États-Unis, sous le pavillon desquels n’importe qui pourra vite constater qu’un nouvel empire émergeant s’abritait, et d’où il dominait une vaste partie du monde depuis au moins la 2e guerre mondiale, une énorme planche à billet en réalité privée, propriété de banquiers célèbres, fonctionnait désormais frénétiquement pour mener une guerre impitoyable au communisme.

    En face, que pouvaient faire les banques centrales des autres « grands pays » sinon essayer de contenir la hausse tout aussi absurde qu’induisait l’effondrement virtuel du dollar sur la valeur de leurs monnaies ? Donc acheter du dollar à tour de bras… (pour entretenir une demande artificielle qui en soutienne le cours). Ce qui signifiait, pour la Banque de France, par exemple, émettre du Franc à tour de bras… Des Francs qui n’iraient sans doute pas irriguer l’économie productive. Car c’était ça où devoir se séparer de ces ressources réellement rares que sont les devises ou encore l’or. (Sorte d’ultime dérivé pathétique de cette situation désespéré, je l’avais signalé : les effets d’une disposition de 1949 font que lorsque le cours du Franc s’apprécie par rapport au dollar, les avances de la Banque centrale réellement disponibles pour les investissements publics nationaux diminuent mécaniquement…) Dans tous les cas, ce régime monétaire de fous poussait tout à la fois à faire tourner les planches à billet et… à la récession sur tous les fronts de la production digne pendant que le pognon alimentait la guerre.

    Arrive 1971, paroxysme de cet incroyable système monétaire. La dernière amarre qui liait la valeur des monnaies aux métaux précieux est coupée.

    Vu d’aujourd’hui, pas besoin d’être bien cynique pour imaginer tout seul la solution radicale qui allait prétendre résoudre le problème dans « les grands pays » : faute de tout étalon légitime ou praticable à « la mesure de toutes choses », « le marché » allait s’imposer comme mécanisme le plus efficace pour fixer la valeur des monnaies.

    Mais c’est même encore plus naturel que ça : les banques centrales des autres pays que les USA ne pouvaient tout simplement plus soutenir ce régime de fou dont j’ai taché de rappeler les grands traits, et le seul fait qu’elles étaient forcées de jeter l’éponge signifiait que les changes flottaient désormais. Autrement dit, qu’ils étaient livrés aux lois du marché, quel que soit la gueule de ce marché.

    En réalité, donc, la question qui se posait n’était pas de savoir si on avait décidé de faire du change flottant mais de savoir, vu que cette situation s’était imposée de fait, comment structurer et, si nécessaire, développer, voire créer de toutes pièces, les marchés qui permettraient que la vérité des prix (des taux) soit le moins possible, disons, soumis à l’arbitraire d’une ou quelques grosses puissances. À commencer par les gros États eux-mêmes, bien sûr. Encore une fois, faute de créer autre chose, cette vérité des prix était déjà imposée par l’arbitraire de quelques grosses machines, et surtout par la politique étrangère des USA.

    Vous comprenez peut-être mieux, vu ainsi, qu’un Rockefeller ait pu se vanter, dit-on, de s’entendre avec un ensemble de banquiers et d’intellectuels à leur service pour conspirer contre les souverainetés nationales, à commencer (oublie-t-on souvent de noter) par celle qui s’exprimait au travers des décisions du gouvernement des États-Unis…
    Et vous serez peut-être moins suspicieux aussi si je vous dit que le même mouvement a compris d’emblée à quel point il pouvait utiliser les discours « décroissants », et qu’il a récupéré dès le départ le mythe d’un réchauffement climatique dû aux hommes, au point qu’on peut dire qu’il l’a entièrement créé. Même si le mythe de l’effet de serre atmosphérique existait bel et bien dans le champ scientifique : à cette même époque il était encore généralement acquis qu’on avait infirmé cette curieuse théorie qui pourrait bien être contraire au 2,d principe de la thermodynamique, excusez du peu. En tous cas, à l’époque, la même époque, il était absolument ridicule de proclamer que « tous les scientifiques le soutenait. Passons et revenons en à nos moutons un peu plus sonnants et trébuchants.

    Il fallait donc un marché. Seulement (nouvel indice), « le marché », en l’espèce, c’était quoi ? Un marché financier… c’est-à-dire un oxymore. Pourquoi ? Pour diverses raisons, notamment le fait que les producteurs sont plutôt gros et rares, mais surtout pour la raison élémentaire que je viens d’évoquer : l’offre, ici la création de monnaie, ne coûte presque rien à fabriquer et pas grand-chose à distribuer : elle est donc tout sauf une ressource rare, et elle le sera désormais moins que jamais… Entretenir cette rareté et prétendre équilibrer cette offre et la demande (bien réelle, elle) est donc déjà depuis très longtemps, mais elle sera plus que jamais l’ESCROQUERIE qui nous gouverne.

    On devrait finir de voir, ici, que c’est une erreur d’essayer de répondre à la « question réduite » du financement plus ou moins centralisé de l’État sans placer cette question particulière dans son contexte général. Mais je poursuis.

    Or qui détient le monopole de l’offre ? Les banques commerciales de dépôt. Surtout les plus grandes, qui s’évertuent naturellement à étendre leur « marché », aussi vrai qu’elles essaient chacune de bouffer les autres, ou encore de limiter l’accès aux aspirants producteurs, ou enfin d’orienter les lois de sortent qu’elles trompent le peuple et le dispersent (ensemble de traits cités en référence à un propos plutôt célèbre d’Adam Smith).

    Enfin, il subsiste, surtout dans certains pays, une forme d’ « interventionnisme » consistant, pour l’État, à créer lui-même une partie de la monnaie et à en disposer pour financer des investissements décidés un peu démocratiquement. La France a atteint sans doute un sommet en 1946, quand la moitié (!) des « emplois » des banques de dépôt (nationalisées) alimentaient « Le Circuit »… (Ajoutez à cela que la Banque de France devait créer dans les 10-15% de la monnaie.)

    Mais à la veille de « la loi de 1973 », tout ça est presque fini : 90% de la création monétaire des banques est déjà revenu dans le giron de l’investissement privé.

    Seulement, sans même considérer la question de la vérité des prix, est-il déjà bien sûr que les banques puissent se satisfaire de cette situation ? La réponse est clairement non : en réalité, les banques, elles, veulent justement pouvoir placer une bonne partie de leurs « emplois » dans le secteur de la dette publique.

    Ce sera plus tard exactement pareil pour les fonds de pension et les grosses assurances. Ceci pour une raison très simple : ces gros agents sur lesquels reposent le financement de vastes pans de l’économie ont un besoin vital de garantir leurs rentrées d’argent, dans la durée. Or ces titres qu’on qualifie aujourd’hui de « souverains » sont les rentes les plus stables et les plus sûres.

    Tenez, ça ne vous a jamais étonné que durant quarante longues années, plus les États s’endettent, plus « on » leur prête ? Pour n’importe quel autre agent emprunteur, c’est plutôt le contraire : plus il s’endette, plus on hésite à lui prêter (c’était le cas, du moins, avant qu’on en arrive à certaines des conséquences les plus délirantes du décloisonnement des banques de dépôt et des banques d’affaires… mais c’est une autre affaire).

    Au fait, si certains ne l’ont pas encore compris, durant tout ce temps, au global, les États ne remboursent pas, ils empruntent toujours plus.

    Bref, les banques crèvent d’envie de prêter aux États, pour la bonne raison que c’est le truc le plus sûr à qui l’on puisse se fier – démontrant par là la contradiction profonde et ultime de la même logique qui les a consacrées en ces « marchés financiers »… Et la seule chose qui commence, un peu, seulement, de les retenir de le faire, c’est une situation où tout s’écroule…

    Dans l’avant dernière étape, on l’aura compris également, ces « marchés financiers » sont devenus rien moins qu’un « gouvernement » totalitaire, autrement dit un machin qui règne sur tout le reste mais qui est lui-même entièrement esclave de la logique qui l’a fait naître.

    Nous en revenons ainsi, par un nième versant déjà, à la nouvelle grande piste que j’ai évoquée en finissant mon message précédent.
    Il y a encore sans doute d’autres facettes à contempler dans ce tableau, mais je pense que ça ira pour l’instant (c’est déjà long, une fois de plus…)

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  2. A-J Holbecq dit :

    Ma conclusion est que la loi de 1973 laissait la « porte ouverte » à un financement direct de la Banque de France A CONDITION que le Gouverneur et le Ministre des finance le demandent ensemble (article 19). Mais ni les uns ni les autres ne l’ont jamais fait, préférant un appel au « marché » et donc un endettement externe au bénéfice des banques et des épargnants. Le Traité de Maastricht a fini par verrouiller cette possibilité non utilisée.

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  3. tchoo dit :

    Je pense que l’on trouvera très bientôt dans la bouche d’un personnage cité ici, un certain nombre d’informations sur les « circuits » du Trésor et sur le rôle exact de la loi de 1973. Rendez-vous bientôt.

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  4. brunoarf dit :

    Mercredi 23 janvier 2013 : chiffres de la dette publique pour le troisième trimestre 2012.

    En zone euro, la dette publique de plusieurs Etats atteint des sommes inimaginables.

    En zone euro, la dette publique de plusieurs Etats est devenue hors de contrôle.

    Plus personne ne contrôle quoi que ce soit.

    Nous entrons dans une nouvelle époque : l’époque des défauts de paiement de plusieurs Etats européens.

    1- Médaille d’or : la Grèce. Dette publique de 301,193 milliards d’euros, soit 152,6 % du PIB. Tous les soi-disant « plans de sauvetage » de la Grèce ont échoué. Le premier défaut de paiement avait effacé 107 milliards d’euros de dettes. Mais la dette publique continue à augmenter, à augmenter encore, à augmenter toujours. La Grèce va de nouveau se déclarer en défaut de paiement.

    2- Médaille d’argent : l’Italie. Mario Monti laisse derrière lui une dette publique de 1995,143 milliards d’euros, soit 127,3 % du PIB. Mario Monti a fait la preuve de sa nullité. Mario Monti a fait la preuve de son incompétence.

    3- Médaille de bronze : le Portugal. Dette publique de 201,003 milliards d’euros, soit 120,3 % du PIB. Là encore, le soi-disant « plan de sauvetage » a échoué. La dette publique du Portugal continue à augmenter. Le gouvernement portugais a annoncé que le Portugal était incapable de rembourser comme prévu les 78 milliards d’euros du soi-disant « plan de sauvetage ».

    4- Dette publique de l’Irlande : 190,954 milliards d’euros, soit 117 % du PIB. Là encore, le soi-disant « plan de sauvetage » a échoué. La dette publique de l’Irlande continue à augmenter. Le gouvernement irlandais a annoncé que l’Irlande était incapable de rembourser comme prévu les 85 milliards d’euros du soi-disant « plan de sauvetage ».

    5- Dette publique de la Belgique : 380,923 milliards d’euros, soit 101,6 % du PIB.

    L’Irlande bénéficie depuis novembre 2010 d’un plan de sauvetage sur trois ans de l’Union européenne et du FMI. Le Portugal a quant à lui dû solliciter un plan de sauvetage sur trois ans en mai 2011.

    http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL6N0ARB6520130122?pageNumber=3&virtualBrandChannel=0

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  5. Christian GOMEZ dit :

    J’ai eu déjà à maintes reprises l’occasion de de m’expliquer sur ce point et j’ai du mal à comprendre cet amour que beaucoup ont pour la situation « d’avant », quand la BdF était une annexe du Trésor.

    Croire que la dette publique n’existerait pas aujourd’hui si l’état avait pu imprimer la monnaie nécessaire est, je dois dire, une opinion incompréhensible pour moi car, au delà du circuit monétaire du Trésor ( que je connais fort bien) , il y a le circuit économique tout court et les nécessités de son bouclage.

    Laisser l’Etat enfiler les déficits pour ne pas affronter la colère des contribuables est pour moi la pire des perversions pour un système économique et , au delà , social. Car , cela revient à préférer la taxation par l’inflation des plus faibles ( ceux qui ne peuvent s’en protéger, les retraités, les épargnants) sans compter les effets pervers de l’inflation sur les décisions économiques.

    Croire qu’il suffit de créer de la monnaie pour produire des richesses est une autre perversion que le keynésianisme a ancré dans les têtes. Dans certains cas très précis, en cas de baisse conjoncturelle de la demande, il peut y avoir un certain intérêt à compenser par une injection de monnaie si les prix et les salaires sont rigides. Mais, au delà, IL N’Y A PAS UN EXEMPLE DANS L’HISTOIRE OÙ LES POLITIQUES DE DÉFICIT AU FIL DE L’EAU ONT PRODUIT AUTRE CHOSE QUE LE CHAOS ET LA MISÈRE.
    ( J’étudie en ce moment les processus de convergence des pays et les raisons qui font que certains convergent et d’autres pas- Je peux vous dire que, seules, les pays rigoureux convergent, les autres….).

    Il y a une confusion complète entre:
    – d’une part, le fait de permettre à l’état de créer de la monnaie par son déficit dans un système bancaire à réserves fractionnaires;
    -d’autre part, de mettre en place un système dit du « 100% Money » , qui réserve la création monétaire à l’état.

    Dans ce dernier cas, il n’y a aucun miracle: les nouveaux revenus de l’état sont pris à d’autres qui en bénéficiaient auparavant (les banques) ou qui en faisaient bénéficier d’autres parties prenantes (les déposants, les emprunteurs).

    La Loi de 1973, prise par un Président dont la disparition a causé un tort considérable à notre pays, fut une excellente loi. Malheureusement, elle ne régla pas le problème de la création monétaire par le système bancaire et l’inflation continua de plus belle.

    CG

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    • Catherine B dit :

      Monsieur Gomez,

      Pourriez-vous imaginer un type de désobéissance civile qui pourrait impacter la dynamique délétère que nous traversons?

      CB

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    • A-J Holbecq dit :

      Cher Christian
      Alors que beaucoup de ces « amateurs » (dont je fais parti) sont intéressés par le système 100% monnaie, tu dois reconnaitre qu’ils ne prônent pas une création monétaire sans limite, puisque justement ils acceptent les limites qu’a suggéré Allais (et toi-même) à savoir inflation souhaitée + croissance.

      Mais, je t’avais montré que les déficits publics étaient, pour une grande partie, dus aux intérêts des emprunts qu’avaient du faire les administrations publiques du fait même que le 100% M était inexistant et que leur trésorerie négative le leur imposait … alors que les équilibres primaires (sans le poids des intérêts) sur une longue période, était presque équilibré (mis à part ces 3 dernières années).
      Si nous avions pu appliquer le 100% M nous n’aurions quasiment plus de dette.
      Si aujourd’hui nous pouvions l’appliquer, compte tenu de ta proposition ( substitution dette publique/dette privée lors de la mise en place de la réforme) et de la possibilité de vente des actifs financiers détenus par les administration, la dette serait quasi nulle.

      Les intérêts de la dette ont nourri la dette …

      Je vais demander à Postjorion de diffuser la petite étude que je t’avais envoyée.

      Ceci dit, je ne nie pas qu’en période de croissance il est inutile d’appliquer des relances keynésiennes, mais comme tu l’écris toi même « en cas de baisse conjoncturelle de la demande, il peut y avoir un certain intérêt à compenser par une injection de monnaie si les prix et les salaires sont rigides  »

      Amitiés
      AJ

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