231 – Mythes et dogmes (1)

Extrait de l’excellent site d’Aliena  dont voici la présentation

Traductions française des textes de différents économistes de langue anglaise, qui se consacrent a l’étude de la Modern Money Theory (ajout Postjorion: MMT ou « chartalisme »)

La différence cruciale entre un système monétaire basé sur une monnaie convertible en or et une monnaie fiduciaire (fiat) est que sous un système étalon-or, le gouvernement national doit émettre de la dette pour couvrir ses dépenses au delà des revenus de l’impôt.
La fin de Bretton Woods fut l’interruption finale entre les matières premières qui ont une valeur intrinsèque et les monnaies nominales.
Depuis ce moment, les gouvernements ont utilisés la monnaie fiduciaire (fiat) comme base du système monétaire.

Une des conclusion fondamentale de MMT est qu’il n’y a pas de différence fonctionnelle (pour un État souverain émetteur en monopole de sa monnaie dans un monde à taux de change flottant) entre un « bon du Trésor » et la « monnaie », sauf en ce qui concerne le terme (intérêts contre aucun intérêt) et la durée. Ainsi, il n’y a pas de différence entre un déficit « financé » par l’émission d’obligations et par la création monétaire directe – les deux sont « inflationnistes » (ou non) dans le sens où ils ajoutent à la demande globale, et les deux ajoutent des actifs financiers nets (monnaie) au secteur privé.
Le croque-mitaine de la « planche à billets » est une relique de l’époque de l’étalon-or, dans lequel la « monnaie » était convertible en or et la « dette » ne l’était pas.
Les ressources réelles peuvent être « imprimées » à la condition qu’il y ait des capacités inutilisées dans l’économie. Si le gouvernement embauche les chômeurs, le travail qui est effectué est un travail qui n’aurait pas été réalisé autrement et représente une production qui aurait été perdue à jamais.

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La mythologie néo-libérale

 Par Bill Mitchell (Professeur de recherche en économie et Directeur du Centre du Plein Emploi et Équité (CofFEE), a l’Université de Newcastle, NSW Australia. [Traduction partielle de Oh to be truly brilliant )

Premier mythe : L’amalgame ménage-gouvernement et l’affirmation qu’ils ont « les mêmes contraintes budgétaires », qui dirige toutes les analyses macroéconomiques dominantes des politiques des gouvernements et conduit toujours a des conclusions erronées.

Comme je l’ai dit plusieurs fois, il n’y a pas d’analogie applicable entre le budget d’un ménage et celui d’un gouvernement souverain dans sa monnaie.

Les dépenses des ménages sont toujours financièrement contraintes parce qu’ils sont les usagers de la monnaie émise. Les agents du secteur privé en général doivent trouver la source des fonds avant de pouvoir dépenser — que ce soit a travers leurs salaires, la vente de biens, leur épargne ou l’emprunt.

Un gouvernement souverain dans sa monnaie n’est jamais contraint financièrement parce qu’il est l’émetteur en monopole de la monnaie. Il n’a ni besoin de taxer ou besoin d’emprunter pour dépenser et logiquement, il doit dépenser avant de pouvoir collecter les taxes ou emprunter des fonds.

Deuxième mythe: L’amalgame des différents niveaux de gouvernement qui démontrent que les analyses macroéconomiques dominantes des politiques des gouvernements sont inapplicable.

Un état ou un gouvernement local n’émettent pas la monnaie qu’ils utilisent et sont donc complètement diffèrent d’un gouvernement national souverain en ce qui concerne ses possibilités et choix fiscaux.

Bien qu’un état/gouvernement local ait accès aux taxes, ses contraintes budgétaires sont les mêmes que celles des ménages parce qu’il doit trouver les fonds avant de pouvoir dépenser.

Troisième mythe : « La bombe a retardement du vieillissement de la population »: ce mythe prétend que le gouvernement, qui peut créer des actifs financier nets dénommés dans sa propre monnaie, « n’aura plus d’argent » parce que plus de gens demanderont plus de prothèses de hanches ou plus de retraites dans le futur que ce n’est le cas a présent.

La simple réponse a ce mythe est que le gouvernement national sera toujours capable de « payer » pour les retraites ou fournir d’excellent soins médicaux aussi longtemps qu’il y a la volonté politique de le faire et qu’il y a des ressources réelles disponible pour répondre a la dépense.

Quatrième mythe : « L’excèdent budgétaire crée l’épargne nationale »: ce mythe prétend que les gouvernements doivent réduire leur rôle dans l’économie en réduisant ses dépenses, bien qu’il y ait un chômage très élevé et persistent et un immense manque de dépense toujours présent.

On nous dit de façon répété que ce sont des « décisions très difficile a prendre » et que des « sacrifices » doivent être fait pour permettre au gouvernement la création d’un excèdent budgétaire afin d’avoir plus de fonds a dépenser dans le futur.

En réalité, les excédents budgétaires ne fournissent aucune capacité de dépense supplémentaire pour le futur. Un gouvernement souverain dans sa monnaie a une capacité de dépense illimitée. Les contraintes ne sont jamais financière a moins d’être volontaire

Cinquième mythe: « Le gouvernement vit au dessus de ses moyens »: ce mythe assimile le déficit budgétaire a une dépense excessive.

Mais en réalité le concept de « moyens » pour un gouvernement national est complètement inapplicable. Le gouvernement a les « moyens de financer » tout ce qu’il désire – infinité moins 1 centime.

Un gouvernement souverain ne peut jamais dépenser au delà de ses « moyens » dans le sens ou Bernanke l’utilise. Le gouvernement peut dépenser trop en relation avec les capacités réelles de l’économie a absorber cette dépense via l’augmentation de la production.

Avec 10 pour cent de chômage aux US, le gouvernement US fait face a un cout d’opportunité très faible (cela dit, en terme réel) en embauchant cette main d’œuvre pour la production dédié au secteur public. Les exemples sont nombreux.

L’histoire nous montre seulement qu’il n’y a que quand les gouvernements poussent la demande nominale au delà de la production réelle qu’ils se heurtent aux barrières de l’inflation.

Les gouvernements ont fait des déficits budgétaires sans interruption pendant des décennies sans rencontrer le type de problème que Bernanke présente comme inévitable.

A propos postjorion

Le blog d'André-Jacques Holbecq
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10 commentaires pour 231 – Mythes et dogmes (1)

  1. Jean Jégu dit :

    Article réconfortant. On se sent moins seul.

    Mais pourquoi donc nos « élites » semblent-elles complétement incapables d’entendre et encore moins de comprendre ce qui est une évidence quand on l’a compris et qui est redit ici ?

    C’est que certes : » ’il n’y a pas de différence fonctionnelle (pour un État souverain émetteur en monopole de sa monnaie dans un monde à taux de change flottant) entre un “bon du Trésor” et la “monnaie” si ce n’est comme il est dit aussi « en ce qui concerne le terme (intérêts contre aucun intérêt) « .

    Pour supprimer l’endettement public ou plutôt en faire la monnaie publique, interrogez-vous sur qui patirait du tarissement des flux d’intérêts résultants de la dette publique ? Est-ce que, comme le pense Monsieur Hollande – en France ! – le problème principal des états souverains ne serait pas la finance internatinale ?

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    • A-J Holbecq dit :

      Oui Jean, on se sent moins seuls, de même quand on parcours les différents articles du site http://frappermonnaie.wordpress.com/tag/neochartalisme/

      En fait comme je l’écrivais hier sur le blog de Laurent Pinsolle

      […] seuls les banquiers, les politiques et les aveugles ne veulent pas voir:
      1 – puisque le pays (l’Etat, ou sa Banque Centrale ce qui est équivalent dans le cas de la France, la BdF appartenant à 100% à l’Etat) ne peut plus émettre de monnaie, il est obligé de se financer par appel à l’impôt et aux taxes.
      2 – ces impôts et taxes sont payés par les deux autres agents non bancaires, les entreprises et les citoyens
      3 – globalement les citoyens et les entreprises ne peuvent obtenir la monnaie qui va leur permettre de payer les impôts QUE par crédit bancaire, toujours, à l’origine, monnaie émise par un groupe privé « les banques » à qui ils devront payer des intérêts sur ce qu’Allais appelait une création monétaire « ex nihilo ».

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      • Jean Jégu dit :

        D’accord, André-Jacques. J’avais écrit « on se sent moins seul ». ; en hésitant sur le « s » final. Tu écris « on se sent moins seuls » avec raison car heureusement aucun d’entre nous n’est vraiment tout à fait seul ! Concluons par un sourire : l’un et l’autre se dit ou se disent, n’est-ce pas !

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    • aliena dit :

      Bingo!

      http://www.newyorkfed.org/research/staff_reports/sr223.html

      “the Treasury would be issuing securities not because it needs cash, but because market participants need securities.”

      (« Le Trésor doit émettre des bons du trésor non pas parce que l’état a besoin d’argent mais parce que les marches financiers ont besoin des bons du Tresor »)

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  2. bernarddo dit :

    Je suis d’accord avec Jean Jégu, cet article est réconfortant.

    Mais il se trouve que, sur un plan au moins, celui du premier mythe, il ne correspond plus à la situation française.

    La loi « Rothschild » de 1973 a en effet ramené l’Etat aux mêmes contraintes budgétaires que les ménages à savoir que sa situation d’emprunteur entraîne dorénavant pour lui (pour nous) aussi la nécessité de rembourser plus que ce qu’il a emprunté.

    La situation n’est certes pas symétrique avec les ménages puisqu’il lui est loisible (au contraire des ménages de travailleurs), de ponctionner une partie de la monnaie supplémentaire ainsi créée au détriment des actionnaires qui l’ont intégralement encaissée.

    Mais le taux de récupération est forcément faible puisque, outre la partie créée partie à l’étranger ou dans les paradis fiscaux, le taux d’imposition sur les revenus financiers reste traditionnellement faible.

    Dans un premier temps, il me semble indispensable de revenir à situation antérieure à 1973, qui est le premier préalable de la souveraineté, et permet, associée au retour possible d’une politique des changes (ie, dévaluation compétitive) et de contrôle des prix, les rééquilibrages exigés par le déséquilibre structurel que l’intérêt exerce en faveur des revenus du patrimoine.

    Mais je reste toujours interloqué par le tabou qui existe dès que l’on propose de reconsidérer (et donc de mettre en doute) la légitimité du revenu de l’intérêt financier, qui,sauf erreur de ma part, ne me semble jamais avoir été débattue dans la période moderne, devant une assemblée « démocratique » souveraine, particularité dans laquelle elle rejoint l’absence de débat sur l’emploi du tirage au sort en démocratie.

    A l’heure où on parle de « fracture » sociale, qu’on attribue à tout et n’importe quoi, on a simplement oublié que c’est L’INSTRUMENT de la VRAIE FRACTURE, largement en service déjà, et qui permettra, quand les derniers vestiges de pouvoir souverain de l’Etat se seront encore affaiblis, à la fraction de ceux qui en vivent les CREANCIERS privés devenus incontournables, d’échapper au travail en même temps qu’ils exigent des rendement stakhanovistes de ceux les DEBITEURS sur lesquels ils ont déjà en outre le pouvoir (en tant qu’investisseurs, mot dont il faut bien considérer le sens militaire d’origine) de les diriger vers les travaux les plus imbéciles à la condition qu’ils fassent un peu perdurer la situation.

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    • Jean Jégu dit :

      @ bernarddo

      Rien ne me choque dans votre message ci-dessus. Au contraire ce que j’en dirai ira, je pense, dans le sens de son approbation.

      D’abord, une nuance à propos de la loi  » Rotrschild » de 1973. Il semble à l’examen qu’ il n’est pas tout à fait exact d’en faire le point de bascule à partir duquel tous nos ennuis budgetaires aient commencé. Je l’ai cru longtemps moi-même. Mais même si l’on doit convenir que la dérive consistant en l’abandon du pouvoir monétaire de l’état aux banques privées a été une évolution plus progressive, cela ne change rien au constat et à la réalité de cette dérive. Et c’est bien elle qui nous a conduit où nous sommes.

      Je partage aussi entièrement votre réaction quand vous écrivez : « Mais je reste toujours interloqué par le tabou qui existe dès que l’on propose de reconsidérer (et donc de mettre en doute) la légitimité du revenu de l’intérêt financier, qui,sauf erreur de ma part, ne me semble jamais avoir été débattue dans la période moderne,… » . Je me demande même si ce n’est pas là « une relique de l’étalon-or » comme il est dit dans la présentation de l’article. En effet, n’est-il pas naturel de « louer » un objet comme un lingot ( ou les billets qui le représentent) comme on loue un appartement ?

      Nous n’arrivons pas à concevoir aisément que la monnaie actuelle n’émerge plus que d’actes juridiques et est de nature juridique. Sans doute ne faut-il pas trop s’en étonner. La pénurie monétaire séculaire n’était -t-elle pas directement liée à la rareté des métaux précieux. Ceci n’existe plus mais, hélas, nous continuons à faire comme si.

      Il nous reste en effet à sortir de notre mythologie monétaire et à en oublier les dogmes. De tels mouvements historiques prennent toujours un peu de temps. Il est réconfortant de voir que des idées plus cohérentes avec notre modernité germent un peu partout.

      Personnellement je me dis parfois que la physique s’est développée quand les mathématiciens l’ont « investie ». La chimie quand les physiciens y ont introduit leurs méthodes ; la biologie est bien soutenue par la chimie. Quand les biologistes viendront-ils rénover nos sociologies et les sociologues renvoyer les politiques au rôle – un peu primitif – de conquérants du pouvoir qu’ils continuent de jouer ? Enfin , nous pourrions nourrir sérieusement l’espoir de voir se développer et cohabiter des sociétés saines (en bonne santé ) .

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  3. bernarddo dit :

    Je ne suis pas économiste, mais je considère quand même cette loi comme un introduisant un élément structurel de déséquilibre. Les ennuis ont certes commencé plus tard, car, pour moi,il n’est pas question d’oublier que les périodes inflationnistes du début des années 80 ont d’abord compensé ce déséquilibre.

    Quant à la monnaie, je considère comme irrecevable sa pseudo définition universitaire, (au moins la partie qui la considère comme une « réserve de valeur », alors qu’il ne s’agit que d’un « jeu d’écritures ») constituant une avance (collective et souveraine), adaptable en tant que de besoin par le crédit, un « fonds de caisse » dont la diffusion chez les citoyens permet de conclure des marchés « indirects », fluidifiant ainsi les transactions.

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  4. aliena dit :

    Merci collègue 🙂
    Moi aussi j’ai été censure par le grand schtroumpf.

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  5. alienus dit :

    schtrumpfion schtrumpfionovitsch tu veux dire ?

    😉

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